Le Nouveau Front Populaire est-il d’extrême gauche ?
La FSU, après la CGT, et le SNEP appellent à voter pour cette nouvelle coalition politique. Est-ce bien raisonnable ?
Les propos qui suivent n’engagent que moi, et je remercie mes collègues du secrétariat académique de m’autoriser à les publier. Prenez-les donc comme une tribune libre sur laquelle vous pourrez bien évidemment réagir.
Je suis de plus en plus heurté d’entendre certains politiques, comme certains journalistes, parler de la France Insoumise (LFI), et par déclinaison du Nouveau Front Populaire (NFP), comme étant un parti d’extrême gauche. On devine bien l’intérêt de ces derniers, le Président de la République en tête, à œuvrer pour mettre sur un plan quasi identique le Rassemblement National (RN) et le NFP et ainsi tenter de conserver le système actuel qui leur profite. Mais que cela est malhonnête !
On le sait, les extrêmes font peur, leur radicalité effraie l’ordre établi, la stabilité de nos institutions, notre mode de société. Mais le NFP est-il extrémiste ? Pour moi la réponse est clairement non, même si en son sein, la présence de quelques responsables du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) pourrait le faire dire. Cependant, la place de ceux-ci est plus que mineure au regard de celles occupées par LFI, le Parti Communiste (PC), la majorité des responsables du Parti Socialiste (PS) et des écologistes.
Les détracteurs du NFP s’attaquent surtout à la présence de LFI dans cette union des gauches. Le « La République c’est moi » de Jean-Luc MELENCHON, l’attitude de certains députés LFistes à l’Assemblée Nationale, sont sans cesse rappelés pour discréditer ce mouvement politique et en faire un parti extrémiste. On oublie alors le fond, les idées, le programme et les orientations de ce parti, qui eux n’ont rien d’extrémistes, mais qui souhaitent construire de façon démocratique une autre société où d’autres rapports humains seraient possibles.
Si ce parti, comme celui d’ailleurs du PC, était d’extrême gauche, le Conseil d’État ne se serait pas privé de le dire. Or, cette plus haute instance administrative a classé ces deux partis dans le bloc des partis de gauche et non d’extrême gauche. En revanche, le Conseil d’État a bien qualifié le RN comme étant un parti d’extrême droite. Je ne peux que vous inviter à lire les raisons qui ont conduit le Conseil d’État à se prononcer de la sorte.
Alors, soyez vigilants lorsque vous entendrez qui que ce soit vous parler d’extrême gauche, surtout que ces mêmes personnes surferont aisément pour affubler d’antisémitisme ces mêmes partis jouant sur la sémantique des expressions et des mots, comme récemment sur le terme « résiduel ».
Faut-il pour autant que la FSU et le SNEP appellent à voter NFP le 30 juin et le 7 juillet ? Est-ce le rôle d’un syndicat d’appeler à voter pour une coalition politique ? Contrairement à notre direction nationale, notre secrétariat académique ne le pense pas, et cela me conforte dans ma propre conception de ce que doit être notre syndicalisme.
Une rapide consultation du secrétariat du SNEP national auprès des secrétaires académiques et des membres du Bureau National a été menée en visio jeudi 13 juin (personnellement je regrette toujours qu’une telle consultation, sur de tels enjeux, ne soit pas proposée à l’ensemble de nos syndiqués, mais bon j’ai depuis longtemps compris que la démocratie au SNEP n’était pas toujours celle à laquelle j’aspirais). De cette consultation est ressortie une large majorité (44 voix pour, 5 contre et 2 abstentions) pour appeler clairement à voter NFP.
Le SNEP Toulouse a voté contre pour plusieurs raisons :
- Pour nous, il n’est pas du rôle d’un syndicat d’appeler à voter pour un parti ou une coalition politique quelque soient ses orientations ou son programme. Il est en revanche de notre prérogative d’éclairer, si cela s’avère important, sur les programmes des uns et des autres afin que chacun et chacune puisse faire ses choix en toute connaissance de cause. Ce serait faire offense à nos adhérents et sympathisants que de penser qu’ils attendent notre appel. Ils sont assez consciencieux pour faire eux-mêmes leur propre analyse et prendre leur responsabilité de citoyens.
- Il faut se souvenir que la dernière fois qu’une posture politique a été émise par le SNEP (il me semble que c’était au sujet du référendum de 2005), certains de nos syndiqués, heurtés par un positionnement politique de la part de notre syndicat, nous ont quitté. Certes, pas en grand nombre, mais quelque part ne se sont-ils pas sentis trahis dans leur liberté d’opinion ? La pluralité des points de vue dans un syndicat, sauf à être complètement à l’extrême de la ligne directrice, en fait sa force. Imposer une orientation politique au travers d’un appel à voter pour une formation politique va à l’encontre de cette diversité d’opinions que nous défendons et qui enrichit nos débats et nos orientations syndicales.
Je ne développerai pas davantage, conscient d’être peut-être déjà un peu long, mais je tenais à m’exprimer à la fois sur ceux qui mettent sur un même plan RN et NFP, et à donner quelques précisions sur notre position académique concernant l’appel à voter pour le NFP. Il faut plus que jamais de la transparence dans un système de plus en plus opaque malgré les moyens de communications qui sont aujourd’hui à notre disposition. Je ne voudrai pas qu’à l’avenir quelqu’un vienne accuser d’ingérence politique le secrétariat académique du SNEP Toulouse alors même que nous sommes plus que respectueux des opinions de chacun et chacune.
André CASTELLAN, co-secrétaire académique du SNEP-FSU